Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/469

Cette page a été validée par deux contributeurs.
369
DJÉZIREH — DE DJÉZIREH À MÔSOUL

naufrage en 1838. Son kellek, entraîné par le remous de la pile, fut balayé complètement par les eaux[1].

Ce souvenir et l’allure désordonnée que prend notre radeau ne sont pas sans nous donner un petit frisson de peur ; le kellekdji — nous n’en avions qu’un seul, ce qui était une imprudence — fait force de rames ; nous passons comme un trait, juste au bord du remous ; au lieu de nous attirer, par un mouvement de tangente, il nous repousse violemment contre l’arche du pont ; le mauvais pas est franchi ! Nous respirons, mais je crois que nous étions un peu pâles.

Nous songeons alors à jeter un coup d’œil sur les ruines du pont dont le courant nous éloigne rapidement. La construction en est superbe : les assises de pierre sont, alternativement, de basalte noir et de calcaire blanc. L’arche qui subsiste et qui est d’un dessein très beau et très hardi, porte des bas-reliefs représentant les signes du zodiaque. La construction de ce pont semble remonter au temps des monarques Sassanides[2].

La distance qui sépare ce pont de Djézireh, fait supposer qu’il ne fut pas construit pour cette ville. Oppert suppose qu’à cet endroit se trouvait « Bezabdé » ou la ville double dont parlent les textes cunéiformes.

Les rives du Tigre sont peu élevées ; à certains endroits cependant, les collines viennent baigner dans le fleuve ; les villages, assez nombreux, sont du plus misérable aspect ; la même famine qui a désolé le Boghtân, les a décimés, et depuis ils ont sans doute souffert les mêmes exactions.

Arrivée 4 h. 30 soir.

Voici Roubahi. Notre hospitalier Évêque nous quitte pour visiter ses villages.


18 Décembre.

Ô dérision ! il souffle pendant toute la journée une tourmente de vent et de neige, venant du Sud-Ouest.

  1. Briefe über… die Türkei, S. 237.
  2. C’est ce que me dit M. Sioufi, Consul de France à Môsoul. Cf. Oppert. Expédition, i, 64, et Atlas, 3e livr.