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DE SAÏRD À DJÉZIREH

une rangée de collines. Le sentier n’est qu’une mare de boue semée de cailloux où les chevaux butent à plaisir.

Enfin voici à nos pieds, étroitement encaissé entre des falaises de roches, le Tigre dont les eaux roulent en grondant. Ce fleuve torrentueux est chargé de limon et sa couleur est aussi foncée que la terre de Sienne.

Il faut, pour gagner ses bords, descendre une difficile coulée de rochers. Un petit khân s’abrite dans un recoin des falaises[1] ; quelques pas plus loin un torrent aux eaux toutes jaunes et gonflées par les pluies se jette dans le fleuve. Je commençais à me demander avec inquiétude comment nous passerions, lorsque j’aperçois, à demi masqué par les rochers, un pont en excellent état de conservation. « On n’y passe point, déclarent laconiquement les zabtiés » Pourquoi ? Ils sourient pour toute réponse, et dirigent notre caravane sur le bord du torrent ; nous le franchissons à gué, non sans peine. Arrivé sur l’autre rive, j’ai l’explication du mystère ! Le pont, accessible de ce côté, vient sur la rive droite buter contre une paroi de rochers absolument verticale ; pas trace de chemin pour y arriver ; nos hommes, qui pour éviter de se mouiller veulent utiliser le pont, doivent par un grand détour, gagner d’abord le sommet des falaises et faire ensuite la courte échelle pour descendre jusqu’au pont. Explique qui pourra la raison d’être de cette construction stupide : pour moi, j’y renonce.

La pluie continue sans rémission !

Deux sentiers longent le fleuve : l’un, le sentier des hautes eaux, garde la hauteur, embrassant en zigzags fantastiques les contours de la montagne ; l’autre, celui des basses eaux, longe la berge du Tigre ; nous pouvons, paraît-il, nous risquer à le prendre, car le fleuve est à hauteur moyenne. Les crues du Tigre doivent être terribles, à en juger par les débris qu’elles ont laissés

  1. Ce khân est sans doute khân-Schébelé. Kiepert l’indique comme un village. Or, d’un village de ce nom je n’ai vu nulle trace.