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CHAPITRE XIX

de la rusticité de leur embarcation et de leurs rames, ils manœuvrent fort bien.

L’eau du Boghtân est ici très fortement sulfurée.

La rive gauche, où nous nous trouvons maintenant, est plate ; une grande falaise de poudingue surplombe la rive droite ; un peu en aval se dessinent, accentuées par les reflets de la rivière, les ruines d’un beau pont qui franchissait jadis le Boghtân-Sou. Autant qu’on peut en juger d’ici, il devait avoir huit arches.

Peu de temps après avoir franchi la rivière nous en quittons les bords et apercevons d’assez loin son confluent avec le Bitlis-Tchaï. Le sentier coupe droit à travers un maquis de buissons épineux qu’Hyvernat range parmi les cystes. Leur végétation rabougrie est tout à la fois inhospitalière et très triste d’aspect.

Un peu plus loin le sentier retrouve la rivière ; c’est maintenant un fleuve aussi large que la Seine, et assez rapide.

Au crépuscule nous nous engageons dans une véritable forêt de grandes herbes, longues et minces dont le style, gracieusement couronné en thyrse, s’élève à près de 3 mètres de haut. Nous arrivons enfin à Bâlak, notre gîte de nuit ; c’est un petit village kurde, sur les bords du Boghtân-Sou.

Arrivée 6 heures soir.

Demain nous verrons les rives du Tigre ! Une heure à peine nous en sépare et nous apercevons très distinctement la profonde fissure dans laquelle coule le fleuve. La vallée du Tigre, avec ses souvenirs bibliques, est pour moi comme le desideratum suprême de mon voyage, et cette dernière soirée est toute remplie d’une poétique attente.


9 Décembre
Départ 9 heures.

Hélas ! la nuit a emporté toute la poésie dans les torrents d’une pluie diluvienne ! Vers 9 heures une petite accalmie nous tente, et nous nous mettons en marche.

Le chemin, montant légèrement, permet de deviner le confluent du Tigre et du Boghtân. Comme immédiatement après ce confluent le Tigre fait un grand coude, le sentier, au lieu de rejoindre directement le fleuve, coupe ce coude en franchissant