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CHAPITRE XVIII

en a fait argent à des prix ridicules. Il y a eu de cette façon un peu moins de coulage ; mais le pays a été irrémédiablement ruiné et le passage des troupes a été signalé par des attentats constants aux mœurs.

Jusqu’ici, je n’ai parlé que de la dîme ; mais l’État a frappé un impôt foncier de 4 pour mille. Or on a vu des propriétés achetées à l’État lui-même 3 000 piastres être inscrites sur les rôles d’impôts à un capital de 175 000 piastres et taxées sur cette base. Ajoutez à cette monstruosité le fait de l’impôt payé deux ou trois fois et voyez où vous arrivez. Les Aghas ou chefs qui sont exploités par le gouvernement se rattrapent encore sur le dos du pauvre cultivateur en prélevant arbitrairement des taxes en nature sur les récoltes.

Les malheureux habitants voudraient abandonner en masse leurs terres pour aller chercher fortune ailleurs ; mais on les force à rester.

Supposez que par une rare merveille un homme parvienne à amasser quelque argent ; il est sûr qu’on saura lui susciter mille chicanes pour l’en dépouiller ; il ne sera pas cité au baladiet (mairie) pour le plus futile motif sans être obligé de payer un fort bakschîch.

Malgré l’éloignement de ces pays, la situation désolante du Boghtân a finie par être connue ; on a fait des plaintes à Constantinople ; elles ont abouti à de très sérieux rapports qui ont été très sérieusement mis au panier. Tout le monde mangeant, chacun soutient son compère.

Dernièrement à Bitlis un individu, pour recevoir la mission d’aller lever 300 piastres d’impôts, a payé 800 piastres de pots-de-vin au Vali !

Toutes les charges sont vendues au plus offrant, qui doit se dédommager ensuite aux dépens du contribuable.

Je dois citer encore une cause de ruine pour les villages situés sur les chemins fréquentés ; c’est le passage des employés qui se font grassement héberger, eux et leur suite, généralement sans