Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/427

Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
BITLIS — SAÏRD — LE BOGHTAN

aux chevaux des jarrets d’acier pour y résister ; à chaque instant il nous faut mettre pied à terre.

Cette vallée étroite est cependant l’une des plus accessibles du Kurdistan et l’on voit qu’autrefois le trafic dut y être important ; ici ce sont des khâns ruinés qui en témoignent ; un peu plus loin ce sont les restes d’un pont qui franchissait jadis la vallée, d’une seule arche de la construction la plus hardie[1] ; aujourd’hui il n’en subsiste que quelques assises.

Enfin, vers trois heures, nous atteignons Doukhân. Un pont franchit la rivière et de l’autre côté se trouve le khân, la première demeure que nous ayons rencontrée d’aujourd’hui. Il est bondé de soldats se rendant à Bitlis ; beaucoup sont malades ; il n’y a plus de place pour nous et nos 12 chevaux ; la société d’ailleurs n’a rien d’engageant ; nous pousserons encore de l’avant et coucherons où nous pourrons. Pendant notre courte délibération l’officier de gendarmerie disparaît ; nous n’en entendîmes plus parler.

À Doukhân bifurquent les chemins, de Bitlis à Diarbekr, et de Bitlis à Môsoul par Saïrd. Le premier suit encore la vallée du Bitlis-Tchaï jusqu’à Ziaret ; le nôtre la quitte ici pour franchir un col et parcourir ensuite des vallées tributaires du Boghtân-Sou.

Nous rencontrons après Doukhân, échelonnés le long du chemin, quantité de traînards dont plusieurs paraissent moribonds. La grimpée est atrocement raide. Mais l’on marche à travers bois ; et sur la vallée principale que nous dominons maintenant, s’ouvrent d’admirables échappées. Le torrent semble toujours couler dans une gorge profonde ; mais au-dessus, les pentes des montagnes prennent des lignes plus douces, plus larges : ce sont de grands chaînons latéraux, couverts de végétation, se croisant en dents de scie et se perdant dans une lointaine perspective. La régularité de ces croisements de montagnes, la végétation qui les

  1. Plusieurs voyageurs donnent toute une nomenclature de villages situés sur ce parcours. Il n’en reste plus rien aujourd’hui. Ils étaient probablement groupés autour des Khâns. Cf. Ritter’s Erdkunde, xi, 96–98.