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CHAPITRE XVIII

cesse de nouveaux rejets, prennent les formes les plus noueuses, les plus fantastiques. À côté de ces vétérans se groupe la jeunesse : chênes, châtaigniers, frênes, lauriers, mûriers, puis maintes espèces que je ne connais pas. Tout cela pousse en désordre, accroché aux rochers, luttant contre les lianes et entremêlé d’une foule d’arbrisseaux épineux.

Vers dix heures nous sommes rattrapés par un officier supérieur de gendarmerie, qui, accompagné d’un zabtié, se rend à Saïrd : nous ferons route ensemble.

Je vois tout à coup Guégou examiner avec soin sa carabine, enlever un tampon de graisse qu’il y avait coulé pour la protéger de l’humidité, et y glisser une balle. Il a sans doute vu un gibier ; et je ne prête pas grande attention à sa manœuvre. Mais une heure plus tard nous apercevons, campés sur un rocher à quelque hauteur au-dessus du chemin, quatre Kurdes. Ils sont armés de bons fusils et, au moment où nous arrivons à portée, ils affectent très ostensiblement de les charger ; nous en faisons autant de notre côté et, dans cette attitude guerrière, continuons d’avancer. Ils nous épiaient depuis longtemps et Guégou les avait vus prendre les devants dans les rochers ; mais ces braves Kurdes avaient compté sans l’officier de gendarmerie et son zabtié qui nous avaient rejoints entre temps. Ce renfort ne faisait pas leur affaire !

Nous passons sans broncher au pied de leur rocher pour faire halte quelques pas plus loin sur une petite pelouse. Notre manœuvre force les Kurdes à se prononcer ; ils se prononcent pour la paix et, prenant un air indifférent, se défilent en passant devant nous. Nous leur souhaitons bon voyage, et comme l’endroit est charmant, nous y faisons une petite halte et invitons l’officier à partager notre déjeuner.

Cinq minutes après, nous ne pensions plus à nos Kurdes, tant l’insouciance et les charmes du voyage font vite oublier le danger !

Bientôt le sentier devient de plus en plus casse-cou ; il faut