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CHAPITRE XVII

de Tadwân, modifiant profondément son relief en aval par les grandes coulées qu’il envoyait vers Bitlis et emprisonnant toutes les eaux d’amont dans un bassin fermé qui devint le lac de Van, et reçut de l’action volcanique sa salure spéciale.

Cette hypothèse me sourirait beaucoup, car il me semble impossible de n’être pas frappé de la forme allongée qu’affecte le lac, depuis l’embouchure du Bendimahi-Tchaï jusqu’au seuil de Tadwân, et de la manière dont cet axe du lac se raccorde avec les axes du Bitlis-Tchaï et du Bendimahi-Tchaï. Il semblerait qu’on pût suivre au fond du lac l’ancienne vallée comblée par les eaux. Il n’est pas jusqu’au grand golfe dont Van occupe le fond qui ne puisse représenter une portion submergée des vallées du Koschâb et du Marmed Tchaï. Les portions de vallées aujourd’hui submergées avaient sans doute ces aspects de hauts plateaux qui sont si frappants dans la vallée supérieure du Zab (Albâg), ce qui expliquerait la grande largeur qu’a pu prendre le lac en les comblant.

Les eaux que cette digue emprisonnait ainsi n’ont pas été assez abondantes pour remplir l’immense bassin, monter jusqu’au seuil de Tadwân et reprendre leur ancien cours par le Bitlis-Tchaï. La forte évaporation de l’été, peut-être l’un ou l’autre déversoir souterrain[1], suffisent à contrebalancer leurs apports, et ainsi le niveau du lac s’est maintenu à peu près à cent mètres au-dessous du seuil de Tadwân ; mais comme ce niveau dépend de l’évaporation, des modifications climatériques plus ou moins stables, apportant plus de pluie et moins de chaleur ou inversement, auront suffi à produire, et ceci dans les temps actuels, les changements de niveau plus ou moins périodiques dont les traces se retrouvent sur les

  1. L’hypothèse des déversoirs souterrains est jusqu’ici purement gratuite. La salure toute spéciale des eaux du lac, qui devra tout naturellement se retrouver dans les eaux de l’émissaire, fournit le meilleur moyen d’identification. Mais, précisément, l’on ne connaît jusqu’ici aucun ruisseau dont la salure rappelle celle du lac de Van. Layard, qui a remarqué le très fort débit des sources du Meuks-Sou, ne dit pas et ne laisse pas supposer qu’elles soient salines. Discoveries in the ruins of Niniveh and Babylon, p. 416.