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CHAPITRE XVI

Nous l’avons vu, Guégou est un ancien brigand. Qui dira jamais son histoire, qui devinera, derrière les récits qu’il fait, tous les exploits qu’il cache ! Son âge, il est bien difficile de le déterminer, car il n’en est pas bien sûr lui-même. Les aventures l’ont prématurément vieilli. Donnons-lui quarante ans. Chaldéen catholique, il a fait comme tant d’autres de ses compatriotes ; il s’est expatrié pour chercher fortune. Saint-Pétersbourg et Moscou l’ont vu marchand ambulant ; il exerça son industrie à Bucharest ; plus tard il vint à Constantinople, le refuge des pécheurs. Là il eut quelques démêlés avec la police et comme il lui déplaisait de se laisser coffrer, il résista ; cela lui valut de recevoir une balle dans le cou de pied et d’échanger provisoirement la prison contre l’hôpital. Un carabin en quête d’opérations déclare son état des plus graves et réclame une amputation pour le lendemain. Guégou qui comprend le français fait le mort pendant la dissertation du carabin ; une amputation ! allons donc ! Le soir venu, il se lève de sa couchette, parvient à sortir à cloche-pied de l’hôpital sans éveiller l’attention, et se réfugie dans un bois. Il y fait un dur séjour ; quand il en sort, la balle est encore dans le pied, mais la plaie est fermée et Guégou clopine.

Constantinople n’avait plus de charmes pour mon héros ; il en sort en qualité de chauffeur sur un bateau à vapeur de la mer Noire. Chauffeur de bateau à vapeur, vous comprenez bien que ce n’est pas la vocation de Guégou ; aussi, bientôt le retrouvons-nous montreur de singes à Erzeroum. Plus tard il est courrier de la poste en Perse.

Mais comment aurait-il résisté à la tentation de devenir brigand ? Brigand, il l’était déjà par hérédité ; dans sa vie vagabonde, que de coups fourrés il avait dû faire ! comment ensuite reprendre une vie terre à terre ? Aussi bien, quand ses pérégrinations l’eurent rapproché de son pays, et qu’enrichi des expériences de la vie il se retrouva dans ces montagnes qui commandent si admirablement la triple frontière de Russie, de Turquie et de Perse, son choix était tout fait, et en bien peu de temps il était