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NOS TRIBULATIONS À VAN

étaient justifiés ! En même temps l’Ambassadeur russe, M. Nélidoff télégraphiait au consulat russe ; et la veille le ministre turc avait dû télégraphier au Vali.

Malheureusement l’Ambassade russe qui s’était montrée si bien disposée au début de notre séjour à Van, a sans doute été froissée par la mauvaise grâce avec laquelle l’Ambassade française recourait à elle ; aussi ne nous donne-t-elle plus qu’une protection « officieuse ». La dépêche a été adressée au Consul. Chérifoff qui le remplace parvient à peine à se faire remettre la dépêche par Mme Koloubakine. Cette manière de faire nous inquiète ; les relations entre Chérifoff et le consulat sont tendues. Nous voyons dans ce procédé comme une marque de défiance envers Chérifoff et un avertissement. Nous savons en effet qu’il a été plusieurs fois réprimandé et « lâché » pour avoir montré trop d’énergie vis-à-vis du gouvernement turc. Sera-t-il, cette fois encore, désavoué s’il intervient fermement ?

Aussi, nous commençons à craindre que cette protection officieuse ne s’évanouisse, elle aussi, en fumée ; Chérifoff lui-même, qui montre beaucoup de zèle pour nous, semble agité et inquiet[1].

Heureusement, hier nous étaient enfin parvenues, après un mois d’attente, les fameuses lettres vizirielles ! Elles avaient été de Constantinople à Tiflis, d’où elles étaient venues à Van par Batoûm, Odessa, Constantinople, Trébizonde !

Hyvernat étant souffrant, le Père Duplan et moi nous allons les présenter aujourd’hui au Mektoubdji. Celui-ci semblait avoir déjà reçu la dépêche du ministre, car il nous accueillit très aimablement et nous demanda seulement un rapport écrit sur les travaux que nous comptions faire. Nous le lui envoyâmes dès le soir en lui demandant en même temps des zabtiés pour nous

  1. Je n’avais pas tort en soupçonnant la position de Chérifoff d’être compromise. Peu de temps après notre départ, il s’est produit une rupture ouverte entre le Consul et lui. Cet excellent Chérifoff a été disgracié et je n’ai jamais pu savoir où il avait été envoyé. La pensée que sa bonne volonté pour nous ait pu précipiter sa disgrâce, est pour nous un vrai chagrin.