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NOS TRIBULATIONS À VAN

demi ; car avec les relations tendues de l’Allemagne et de la Russie, l’Ambassadeur d’Allemagne eut sans doute préféré à la protection du Consul russe, celle du Consul anglais — ce qui dans les circonstances actuelles équivalait à me livrer au Vali — car, en vertu des instructions de son gouvernement, le représentant de Sa Majesté Britannique à Van, n’est que le premier valet du gouverneur turc. Personnellement le Consul anglais est charmant et parait honteux du rôle que le Foreign-Office lui fait jouer ; mais il est obligé de se plier à tout, car, s’il se montrait fier, il serait désavoué.

Hyvernat télégraphie donc sans retard à l’Ambassadeur de France.

M. Koloubakine vient passer la soirée avec nous : sa conversation est aussi intéressante qu’instructive : il a été longtemps Consul sur la frontière chinoise et nous donne de curieux détails sur ces races du Céleste Empire dont la force d’expansion se manifeste par une invasion pacifique de tous les pays voisins. Il voit dans la Chine un grand danger pour l’avenir.


9 Octobre.

Ce matin les Pères reçoivent une dépêche du Vali, qui est en ce moment au Hakkiari. Cette dépêche est un modèle de grossièreté insolente. Pour ce qui nous touche directement, Khalîl-Pacha reproche aux Pères de nous avoir soustraits à la juridiction turque et « de nous avoir empêchés de montrer nos papiers ! »

L’Ambassadeur de France répond à la dépêche d’Hyvernat en annonçant que les lettres vizirielles ont été envoyées à Tiflis : il ne souffle mot de la protection russe. Le Consul engage Hyvernat à télégraphier de nouveau ; la situation, en effet, devient grave. En face du danger que nous courions, M. Koloubakine nous a, de son initiative privée, pris sous sa protection provisoire pour deux jours, et il a signifié la chose à l’administration turque ; mais il ne peut faire plus sans ordres de Constantinople. Passé ce délai, il est obligé de nous remettre au gouverneur.