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CHAPITRE XI

sait. Eux de répondre qu’il est défendu de prendre des photographies sans permission. En vertu de quelle loi, leur dis-je ? les voici bien embarrassés de leur réponse. Comme ils ne cessaient de nous interroger et de nous ennuyer, à la fin, exaspérés, nous leur proposons de leur livrer la plaque de photographie contre un reçu en forme de procès-verbal ; ils refusent de le donner. Nous demandons alors d’aller chez le Moutessarif. Précédés de nos intelligents fonctionnaires, nous nous mettons en marche, suivis de Guégou, qui portait l’appareil meurtrier.

Le Moutessarif (chef du Sandjack ou province d’Albâg) étant absent, nous sommes reçus par son Vékil, vieux mollah à barbe blanche ; c’est un beau type, à l’air parfaitement faux : il est élégamment drapé dans son manteau vert bordé de fourrure et porte le turban blanc.

Il débute, lui aussi, par nous dire qu’il est défendu de prendre une photographie ; nous de réclamer le texte de la loi et d’offrir de nouveau de briser les plaques contre procès-verbal. Le vieux mollah recule devant cette extrémité, nous disant qu’il « pense » que la loi nous défend de prendre des photographies et qu’il voulait savoir si nous avions une permission. Nous lui répondons, et cette fois fort sèchement, qu’un mollah ne doit pas « penser » qu’il existe une loi, mais le « savoir ». Cette réponse le pique au vif ; il n’insiste plus et nous déclare seulement qu’il va prévenir le Vali (gouverneur) de Van ; car enfin, ce que nous avons fait peut être fort grave et compromettre la sûreté de l’Empire ottoman ! Nous nous inclinons devant cette haute prudence du mollah, et nous lui proposons de prendre sa photographie. Ici l’embarras du vieux est visible ; il aurait bien envie d’accepter ; mais il se défie de nous ; bref, il refuse, en se retranchant derrière la prescription de la loi musulmane qui défend de se faire pourtraicturer, prescription que, comme Ulemah, il n’oserait violer. Nous terminons la séance en demandant des zabtiés pour le lendemain matin. On nous vise nos passe-ports avec la mention « venus de Hakkiari et partis pour Van ». Notre soirée est