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CHAPITRE PREMIER

22 Août.

Trébizonde, elle aussi, n’a plus de son passé que des souvenirs, des ruines pittoresquement encadrées. La forteresse, jadis célèbre, est aujourd’hui une enceinte délabrée. Ses ruines qui se dressent au milieu de la ville entre deux précipices sur la crête d’un promontoire rocheux, sont reliées à la ville neuve par des ponts ; une arête de quelques mètres de largeur la rattache à la montagne volcanique de Boz-Tépé.

Dans la forteresse était bâti le palais des Comnènes[1] dont le mur occidental servait en même temps de rempart à la citadelle. Ses ruines dominent l’à-pic, et un lierre séculaire les recouvre entièrement ; des figuiers poussent dans les vieux fossés comblés. Ce sont là à peu près les seuls vestiges des anciens temps.

Trébizonde est restée une ville d’entrepôt où l’élément européen est assez fortement représenté ; presque toutes les caravanes de la mer Noire à la Perse se forment ici[2]  : une route carrossable relie ce port à Erzéroum et se continue dans la direction de Van par un chemin praticable aux « arabahs » arméniennes. Plusieurs rues sont larges, bien pavées et relativement propres.

À environ 2 kilomètres à l’Ouest de Trébizonde, dans la direction de Platana, se trouve l’ancienne église de Sainte-Sophie que les Turcs ont transformée en mosquée. Comme presque tous les voyageurs en parlent, nous tenons à la visiter. Un personnage officiel nous avait dit : « N’essayez pas de pénétrer dans la mosquée ; les Turcs de l’endroit sont fanatiques, et l’on vous fera un mauvais parti. » Nous tenterons l’aventure quand même ; prenant un chemin qui se faufile entre les jardins à peu de distance de la mer, nous atteignons la mosquée et l’Imâm vient à notre rencontre. C’est un jeune homme : son air n’a rien de féroce, mais après

  1. Après la prise de Constantinople par les Latins, Trébizonde devint la capitale d’un empire grec qui fut gouverné par les Comnènes. Mahomet ii s’empara de Trébizonde en 1461.
  2. En préparant notre voyage pendant le printemps, nous avions adopté comme plan, de débarquer à Trébizonde pour gagner la Perse par Erzéroum et Van ; mais le consul de France à Trébizonde jugea cet itinéraire si dangereux qu’il écrivit au ministère pour s’opposer formellement à ce projet. Il amena ainsi Hyvernat à entamer les négociations pour obtenir le passage par le Caucase.