Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
DE DJOULFA À OURMIAH

gardant l’empreinte des doigts souvent fort délicats qui y ont travaillé. Les galettes sèches sont empilées en forme de grande meule ; lorsque celle-ci est terminée, toute sa surface extérieure est recouverte d’un enduit de même nature, et la provision de combustible se trouve toute faite pour l’hiver[1].

Plus d’une Européenne, voire même plus d’un Européen se révolterait à la pensée de manger le pain sorti d’un four chauffé par de pareils procédés ! Qu’on se rassure ! ces galettes sont un combustible parfait ; après une rapide flambée, pendant laquelle un odorat délicat peut, si l’on veut, être légèrement blessé, il reste une masse incandescente qui brûle sans flamme, très lentement, avec un grand dégagement de chaleur et sans répandre aucune odeur.

Le pain que l’on cuit dans ces fours s’appelle en chaldéen « Lavasch ». C’est, au demeurant, le pain national de la Perse. Il est en forme de minces galettes. Pour les préparer, la boulangère — toute mère de famille est boulangère — étend légèrement la pâte au moyen d’un rouleau ; puis, d’un mouvement rapide et alterné, elle plaque successivement cette pâte sur chacun de ses bras. La galette s’étire à chaque fois, et quand elle a atteint la forme voulue, on l’étend sur une planchette en bois armée d’une poignée. Cette planchette est arrondie, et sa convexité répond à la courbure du four. Au moyen de cette planchette, une autre femme, préposée à la cuisson, applique vigoureusement la galette contre la paroi brûlante du four. La cuisson est extrêmement rapide ; généralement elle est incomplète.

Ce pain frais et croustillant est excellent. Il se conserve plusieurs jours. Au moment du repas, les Persans l’humectent assez fortement pour le rendre flexible, et ces galettes remplissent alors toutes sortes d’offices ; roulées en cornets, elles deviennent cuillers pour prendre la sauce ; étendues, elles servent d’assiettes ;

  1. Le lecteur pourra voir plus loin la représentation d’une de ces meules sur l’Illustration de : « Notre palais de Khatibâba ».