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CHAPITRE VII

Celle-ci est civile de nom, mais militaire d’esprit et d’habitudes ; en outre, elle est bureaucrate à l’excès. Le militarisme et la bureaucratie réunis donnent donc une administration tracassière et minutieuse.

Toute la force intellectuelle des gouvernants et le plus clair des revenus se dépensent à mettre en mouvement cette machine compliquée ; le fonctionnement des bureaux au Caucase est à peu de chose près le même que sur les bords de la Néva.

Si la bureaucratie est une cause d’arrêt dans le développement des peuples avancés en civilisation, elle empêche complètement le progrès dans un pays où tout est à faire.

Au lieu d’avoir comme le fonctionnaire anglais une large part d’initiative en face de toutes les questions nouvelles, l’employé russe est attaché à son programme. Proposer une réforme serait mettre en doute l’infaillibilité du système, rompre la filière administrative et s’attirer une mauvaise note. L’employé cesse donc de s’intéresser à des problèmes dont il n’a pas à provoquer la solution, et continue son œuvre irresponsable.

Ainsi se perd ce sens de l’initiative qui est un auxiliaire si précieux dans les pays à demi civilisés.

Cependant, une fois le système des annexions directes admis, la machine bureaucratique est peut-être le moins mauvais moyen de gouvernement que le Tzar ait à sa disposition.

Nous avons dit quels éléments d’administration hors ligne possède l’Angleterre aux Indes. Elle est encore aidée par la supériorité, actuellement incontestable de l’Européen sur l’Hindou. L’Anglais ne perd jamais de vue un seul instant cette supériorité, et ne descend jamais de son Olympe : il est arrivé ainsi à se faire considérer comme un être d’une caste, détestée peut-être mais supérieure, à laquelle les autres sont obligées d’obéir.

Ces éléments d’administration et ce prestige manquent tout à la fois à la Russie.

Le peuple russe manque d’éducation sociale, encore plus que