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CHAPITRE VI

simulant les victimes de Kerbéla, représentations de tombeaux, etc.

À l’apparition de cette procession sur la place, le fanatisme redouble ; plusieurs des malheureux martyrs tombent épuisés. Tous les assistants, femmes et enfants, les hommes eux-mêmes, saluent ce défilé des gémissements les plus poignants. En lisant ces lignes, le lecteur n’aura qu’une pâle image de la réalité ; car ce spectacle défie toute description ; je puis dire sans exagération, que son souvenir m’a poursuivi pendant bien longtemps comme un cauchemar sinistre.

Que de contrastes ! En détournant un instant nos regards nous trouvions devant nous le calme grandiose du paysage de l’Ararat. Tout y était beauté, noblesse et relèvement pour l’âme ; tout à coup de nouveaux hurlements nous ramenaient brusquement à ces bêtes fauves : antithèses étranges, oppositions violentes entre l’homme déchu et l’œuvre de Dieu !

Le défilé terminé, Rahîm-Khân nous invite à nous asseoir au milieu de la place, près de la tente de cérémonie de son oncle, Khân « honoraire » de Nakhitchévan et général dans l’armée russe.

Sur cette place devait se jouer une scène parlée, représentation dramatique de la mort de Hussein. Mais la foule surexcitée a envahi la place ; le chef de police est arménien ; les Musulmans, indignés de se voir commandés par un Arménien, un homme d’une race jadis opprimée, furieux de voir aux places d’honneur un certain nombre de « chiens » dont nous étions, se mettent à huer le chef de police ; impossible de faire reculer la foule, impossible de terminer la représentation.

Ce pauvre chef de police ! Il nous a aperçus au début de la fête ; immédiatement il vient vers nous. « Vous ne partez donc pas ? » Nous lui expliquons notre accident de voiture et en même temps nous déclarons que nous entendons rester. Nous avions la partie belle ! Harassé par la surveillance de la foule, il eut été bien empêché de nous embarquer de force ! Mais à chaque