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NAKHITCHÉVAN − LE BEÏRAM-ALI, ETC.

Rien ne peut donner une idée de l’horreur de cette scène. Chaque village des environs défile à son tour autour de la place. Les « martyrs » sont vêtus de longues robes blanches ; leur tête est fraîchement rasée ; ils font la chaîne avec la main gauche, la droite, libre, est armée d’un sabre effilé, tranchant tourné vers le visage. De leur sabre ils s’entaillent le crâne en mesure, hurlant à tue-tête : Vah Hussein ! Shah Hussein ! Hussein, Hassan ! La Illah ! Ali ! ». Dès le début la scène est atroce.

Le sang coule à flots et voile les visages ; on ne voit que le blanc des yeux et l’ivoire des dents, ressortant en hideux rictus sous ce voile de sang. Le cœur se soulève, et il faut faire appel à toute son énergie pour contempler en face cet horrible spectacle.

À mesure que la procession se développe, le fanatisme s’exalte, et ces malheureux se donnent d’effrayantes estafilades d’où le sang découle sur leurs robes blanches et sur le sol ; les assistants le recueillent avec vénération. Des mollahs sont chargés de veiller auprès des plus fanatiques pour les empêcher de se tuer ; quand trop de sang a coulé, on bande la tête des plus épuisés ; mais ivres de sang, ils engagent de vraies luttes avec ceux qui les veulent arrêter, et dès qu’ils se voient libres un instant, ils recommencent leur infernale besogne. De petits enfants de six à huit ans font partie de ces bandes et font leurs premières armes dans cette fête !

Après les martyrs viennent des bandes d’hommes manœuvrant en mesure de gros gourdins et poussant des imprécations ; puis, mêlés avec eux, les pénitents. L’un ou l’autre d’entre eux, le buste nu, se déchire le dos avec des chaînes armées de crocs. Les autres, leur poitrine découverte, la frappent continuellement avec la paume de la main droite, poussant les mêmes hurlements que les martyrs ; ils mettent à cet exercice tant de persistance qu’ils arrivent à s’enlever complètement la peau.

La première partie du défilé est terminée. Ces sinistres acteurs vont ensuite chercher la procession symbolique, mannequins