Page:Méry - Monsieur Auguste, 1867.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
MONSIEUR AUGUSTE

Octave avec ma fille Louise ?… Ce n’est pas un valseur, c’est un tourbillon !

Dans ce vaste salon de campagne, où M. Lebreton donnait un bal, cette valse furibonde avait brisé les forces des jeunes gens et des jeunes filles ; les éventails s’agitaient sur tous les visages, les mouchoirs glissaient sur tous les fronts ; le souffle manquait à toutes les poitrines ; mais l’artiste qui tenait le piano n’aurait pas voulu sacrifier trois mesures du volcanique chef-d’œuvre de Strauss ; il faisait son devoir jusqu’au bout, pour rappeler au salon une désertion sacrilége, et il ne chantait qu’à des oreilles sourdes, avec le plus honorable acharnement.

Octave qui, malgré lui, avait suivi à désertion générale, vint brusquement arracher Louise à son repos, et donna au pianiste un prétexte pour épuiser l’œuvre de Strauss. La jeune fille avait cédé comme la colombe cède à l’attraction du serpent ; elle se laissait emporter, en trois temps, par un bras vigoureux, et, la tête inclinée sur l’épaule, elle suivait, avec une régularité passive, les élans irrésistibles de son valseur. Le pianiste, emporté aussi par une effluve électrique, précipita le mouvement sous la furie de ses doigts, comme si un démon lui eût prêté ses griffes. Les regards étaient fixés sur