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MONSIEUR AUGUSTE

— Ainsi, disait Mme de Gérenty, vous quitteriez la France avec plaisir ? notre belle France !

— Oui, madame, c’est une résolution que j’ai prise ce matin ; elle est irrévocable.

— Avec votre fortune, à votre âge, et avec votre instruction, vous pouvez prétendre à tout.

— Oh ! madame, le talent de l’intrigue me manque. Je n’arriverai à rien.

— Est-ce un violent chagrin qui…

— Non, madame.

— La soif des voyages ?

— Non, madame ?

— Encore une question indiscrète… Un désespoir d’amour ?

— Non, madame… Je m’ennuie, voilà tout.

— Même en ce moment ?

— Ce moment est un moment ; il va finir, madame.

— Mais on peut le recommencer… En vérité, monsieur Auguste, votre nostalgie anonyme excite l’intérêt de tous vos amis. En vous voyant si jeune, si riche, si fort, si vivant, on dit partout : « Oh ! quel homme heureux ! il porte sa bonne fortune écrite sur son visage ! » Et tout cela serait faux ? et vous seriez à plaindre comme un vieillard qui entre à l’hospice des incurables ?