Page:Méry - Monsieur Auguste, 1867.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
MONSIEUR AUGUSTE

Ce qu’il faut attendre alors, comme un spectacle plus beau que le lever du soleil, et l’attendre, sans être vu, dans une ombre du voisinage, c’est l’apparition qui va rayonner bientôt à ce balcon de fleurs, et sourire à toutes les grâces de la campagne, à toutes les joies voluptueuses de l’été ; c’est la jeune femme qui sort du sommeil et d’un rêve d’amour, et donne l’enchantement et la vie à ce paysage mort. Dans notre siècle de chiffres et de prose, il en est bien peu, parmi les hommes, qui se plaisent à devancer l’aurore, pour voir lever les deux plus émouvantes choses de ce monde : la beauté du soleil sur une montagne couverte de chênes, la beauté de la femme sur un balcon rempli de fleurs.

Après avoir corrigé le dernier pli de ses gants, notre jeune Auguste descendit la grande allée, ouvrit la grille, entra dans une double haie d’aubépines en fleurs, et sonna avec précaution à la porte d’un joli cottage habité par la famille de son ami Octave. Les domestiques mêmes dormaient encore. Octave seul était debout dans la maison ; il vint ouvrir, en costume d’atelier, et tenant en main palette et pinceau. Deux mains tendues se serrèrent affectueusement, et Auguste, introduit devant le chevalet, s’écria : déjà au travail ! c’est édifiant !

— Je m’amuse à peindre un rêve, dit Octave, en