Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
CERVANTES.

sa facilité et même son courage, car au milieu de ces travaux, il était tourmenté d’une hydropisie cruelle, et, condamné par les médecins, il n’avait rien perdu de son enjouement ordinaire.

Il feint, dans ce petit ouvrage, qu’il visite la cour d’Apollon. De là il prend occasion de passer en revue et de juger tous les poëtes de son temps. En général, il les loue ; néanmoins on s’aperçoit souvent que ses éloges sont ironiques ; mais comme presque tous les auteurs cités dans ses vers sont aujourd’hui entièrement ignorés, nous ne pouvons guère mieux sentir ses plaisanteries, que plusieurs satires de Boileau sur Cotin et tant d’autres inconnus. À propos de Boileau, un assaut que les mauvais poëtes livrent au Parnasse, a fait penser à quelques personnes que le satirique français a pu y trouver l’idée de la bataille du Lutrin. Mais ce que l’on remarque dans le Voyage au Parnasse, comme dans tous les ouvrages de Cervantes, c’est une peinture de son caractère aimable et ferme à la fois, c’est sa gaieté qui ne l’abandonne jamais dans le malheur. Dans un épisode, il fait assez plaisamment allusion à sa pauvreté. Introduit dans la cour plénière d’Apollon, il ne peut trouver un siége vide ; tous sont occupés par les poëtes ses con-