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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

auteurs qui vivent de pillage, et tous les romanciers chevaleresques se déclarèrent contre lui. Un Aragonais, auteur de méchantes comédies, dont on ignore le vrai nom, et qui, par conscience de son infamie, se cacha sous le pseudonyme de Fernandez Avellaneda, fut le plus acharné comme le plus grossier de ses adversaires. Sa haine, dit-on, avait été excitée par quelques observations de Cervantes sur ces comédies ; il s’en vengea par des personnalités et des injures dégoûtantes ; d’abord il critiqua avec toute l’âcreté d’un auteur jaloux, l’invention et l’exécution du Don Quichotte, et néanmoins il s’empara de l’idée et du personnage principal. S’imaginant sans doute qu’il lui suffisait de continuer un chef-d’œuvre pour l’égaler, il publia, en 1614, une suite du Don Quichotte, dans laquelle on retrouve tous les personnages, mais pas une étincelle du génie de Cervantes[1]. La supériorité de ce dernier éclate surtout par la comparaison avec Avellaneda ; cependant les injures que lui adresse son lâche ennemi firent lire cette méprisable composition. Voici qui fera juger du sel des plaisanteries de l’Aragonais.

  1. Il existe une traduction française de la continuation d’Avellaneda, mais elle est très-inexacte ; le traducteur y a fait des coupures et de nombreuses additions.