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CERVANTES.

C’est, suivant eux, une allusion évidente à la descente de Charles V sur les côtes de Barbarie. On voit qu’avec de tels arguments, il ne serait pas difficile de trouver dans Don Quichotte le portrait de tous les rois passés et à venir.

D’autres ont pensé que Cervantes n’avait pas osé se jouer à la mémoire d’un aussi grand monarque, et qu’il avait seulement en vue de jeter du ridicule sur le duc de Lerma et les actes de son ministère. Ils s’appuyent surtout sur une ressemblance qu’ils disent frappante, entre les traits que Cervantes donne à son héros, et ceux du ministre de Philippe III. Maintenant, il est assez difficile de contredire une assertion semblable : cependant ceux qui ont cru devoir combattre sérieusement cette supposition, font remarquer que Cervantes reçut une pension du comte de Lemos, ami connu du duc de Lerma, et qu’il n’aurait pas osé dédier à ce seigneur un ouvrage décidément dirigé contre son ami. Enfin ils rappellent que le duc de Lerma était, de son naturel, assez clairvoyant, et ennemi des critiques ; et qu’il aurait, sans doute, envoyé l’auteur de la satire travailler à sa seconde partie dans quelque présidio éloigné. Les deux opinions que je viens de rapporter ont encore des partisans en Espagne.