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IVAN TOURGUÉNEF.

guère les transitions délicates. Je conçois les imprécations de Camille comme une suite de cris rapidement articulés, et j’oserai le dire, monotones.

Il me semble que les qualités éminentes du talent de M. Tourguénef devraient lui assurer de grands succès au théâtre. Les erreurs que je me permets de relever chez le romancier, c’est-à-dire un peu trop de lenteur dans le développement de l’intrigue et l’exubérance des détails, disparaîtraient nécessairement à la scène, où l’auteur ne peut commenter ni les mouvements ni les discours de ses personnages. Et en effet les deux ou trois drames qu’a publiés M. Tourguénef, avec autant de vie et de naturel que ses romans, ne laissent point de prise aux critiques que je viens d’indiquer. J’ignore si ces ouvrages ont été représentés, je pencherais à croire qu’ils ont été faits plutôt pour la lecture que pour la scène ; je dis la scène de nos jours, qui ne se contente pas du développement des caractères et des passions, comme au temps de Molière par exemple, mais à qui il faut du mouvement et une intrigue compliquée.

Au reste, les reproches que j’adressais à M. Tourguénef tombent, je me hâte de le dire, plutôt sur ses premières productions que sur ses derniers ouvra-