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ALEXANDRE POUCHKINE.

vrai Démétrius reposait dans son tombeau. L’imposteur entra dans le couvent de Troïtsa, vit Marfa, et demeura une demi-heure seul avec elle. Puis il sortit du monastère en lui donnant la main. Devant tout le peuple, elle se jeta dans ses bras en pleurant, et personne ne douta plus qu’elle ne fût sa mère. Nul n’a su le secret de cette entrevue, mais un poëte peut deviner, et, je le pense, en tirer une belle scène.

On a de Pouchkine quelques ouvrages en prose, des nouvelles, dont plusieurs sont charmantes, comme la Fille du Capitaine et la Dame de Pique ; beaucoup d’articles de critique littéraire, et un travail historique sur la révolte de Pougatchef. Pougatchef était, comme on sait, un Cosaque qui, à l’exemple des faux Démétrius, essaya de se faire passer pour un prince dont la mort avait été mystérieuse. Ce prince était Pierre III. Sous ce nom, Pougatchef souleva les Cosaques de l’Oural, les Bachkyrs et les paysans des provinces méridionales de la Russie. On dit que l’empereur Nicolas avait donné lui-même à Pouchkine la mission d’écrire l’histoire de ce hardi coquin, qui saccagea Kazan et égorgea des milliers de gentilshommes, car c’était tout bonnement une jacquerie qu’il dirigeait.