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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

faible rebelle, ils sauront te réduire au silence. Adieu. » — Marina. « Arrête, tsarévitch ! Enfin j’entends le langage non plus d’un enfant, mais d’un homme. Prince, il me réconcilie avec toi. J’oublie ton fol abandon, et c’est bien Démétrius que je vois à présent. Pars, va à Moscou, purifie le Kremlin et assieds-toi sur le trône moscovite. Alors envoie-moi le courrier des fiançailles. » Il paraît certain que Marina n’épousa l’imposteur que pour être tsarine, mais son ambition était moins élevée que nous la représente Pouchkine. D’après sa conduite et les lettres qu’on a d’elle, on voit que c’était une personne futile, pleine de vanité, d’ailleurs croyant pieusement comme son père à la fable de l’imposteur, lequel, par parenthèse, ne semble avoir eu jamais de confident.

Le drame se terminant à la mort de la veuve et du fils de Boris, Pouchkine n’a pas traité une autre situation, qui me paraît digne de sa plume. Marfa, veuve d’Ivan le Terrible et mère du vrai Démétrius, était religieuse au couvent de Troïtsa lorsque l’imposteur fut couronné à Moscou. Elle ne pouvait douter que son fils ne fût mort, car il avait expiré entre ses bras, et elle croyait qu’il avait été assassiné par ordre de Boris. Il y avait douze ans que le