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ALEXANDRE POUCHKINE.

s’y arrêtera pas longtemps. Qui lui assignera une place fixe dans le ciel ? qui lui dira : Reste ici ? Qui dira au cœur d’une jeune fille : Rien qu’un amour, ne change jamais ? »

Aleko, sûr de l’infidélité de la bohémienne, la tue avec son amant. Stupéfaction de la horde. Le meurtrier, immobile et accablé par son désespoir, attend la vengeance des bohémiens. Le père de Zemfira, après avoir déposé les deux amants dans une fosse creusée sous les yeux d’Aleko, lui adresse la parole : « Loin de nous, homme orgueilleux ! Nous sommes des barbares sans lois ; nous ne savons ni torturer ni punir, nous n’avons besoin ni de sang ni de larmes, mais nous ne vivons pas avec un assassin. Tu n’es pas né pour la vie des sauvages ; tu ne veux de la liberté que pour toi. Tes yeux nous feraient peur, timides que nous sommes. Tu es méchant et hardi, laisse-nous. Adieu, et que la paix reste avec toi ! » La horde charge ses chariots à la hâte, et laisse Aleko seul sur le steppe désert.

Il y a, ce me semble, dans ce dénoûment un effet grandiose, et l’horreur des nomades qui fuient l’assassin a quelque chose de plus terrible que la vengeance la plus raffinée. À mon avis, les Bohé-