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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

immoral. Ne donnez jamais quelques qualités aimables à un héros qui pèche contre les dix commandements ; on dira que vous sapez les bases de la société : Plutarque n’a fait déjà que trop de mal avec ses soi-disant grands hommes. Surtout ne vous avisez pas de vous moquer des hypocrites et des faux philanthropes, vous vous feriez trop d’ennemis.

Déjà à l’apogée de sa réputation, Pouchkine défiait ses critiques et ne cherchait pas à se justifier de l’accusation d’immoralité qui, dit-on, lui valut quelques succès parmi de bonnes âmes, comme il s’en trouve toujours pour convertir les mauvais sujets. Mais ses ennemis ne se bornèrent pas à noircir son caractère : ils prétendirent qu’il n’écrivait pas le russe purement. Il y a bien eu un Zoïle pour dire qu’Homère ne savait pas le grec ! Ce reproche de gens qui eussent été bien embarrassés pour prouver leur compétence, paraît avoir affligé et violemment irrité le poëte. Son frère m’en parlait encore avec amertume, il y a quelques années. Dans la correspondance de Pouchkine, dans les notes de ses ouvrages et dans maint article de journal, on trouve les traces de sa rancune et de son dépit. Lucien, qui était philosophe de profes-