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ALEXANDRE POUCHKINE.

dans le monde où nous vivons. Pourtant il est encore tout plein d’idées romanesques et juvéniles, et ses caractères appartiennent plus à la convention qu’à la nature. On s’aperçoit en outre qu’il est brûlant de ferveur pour lord Byron, et il se jette sur ses traces avec l’étourderie d’un néophyte jurant in verba magistri. Comme son maître, il a étudié la nature orientale ; il a visité le Caucase, cette Algérie de la Russie, siége d’une guerre acharnée, dont il n’était pas destiné à voir la fin. La fable du poëme est des plus simples et ne se recommande pas par sa nouveauté. Un officier russe, prisonnier des Circassiens, est consolé dans sa captivité, puis délivré par une jeune fille Tchetchenge, qui, lui sachant un autre amour au cœur, se jette dans un torrent après l’avoir conduit aux premières vedettes des Cosaques. On sent des réminiscences du Giaour, et du deuxième chant de Don Juan ; réminiscences habilement déguisées d’ailleurs sous des couleurs nouvelles. Malheureusement ses personnages parlent et agissent trop comme des héros de roman. La jeune Circassienne est la proche parente de Gulnare et de Haïdée, et c’est une belle personne qu’on ne voit guère que par les yeux de l’imagination lorsqu’on a vingt-cinq ans. Les descriptions de