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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

et probablement il lui eût fallu plus d’expérience qu’il n’en avait alors pour démêler dans des traditions bizarres et informes la poésie véritable qu’elles peuvent renfermer. Il y a souvent des perles enfouies dans le fumier des légendes populaires, mais rarement elles sont à la surface. Son intention était louable ; il eut tort d’étudier très-superficiellement, et comme avec dédain, les vieux récits qu’il prétendait rajeunir. Il faut le dire, la mythologie païenne, dont les paysans slaves ont conservé la mémoire, est encore aujourd’hui beaucoup moins connue en Russie que la mythologie grecque, et les antiquaires, même les plus amoureux des fables nationales, se représentent plus distinctement Jupiter et Mercure que Tchernobog ou Péroun. L’Olympe slave chez les paysans se confond avec les loups-garous et les revenants. Les vieilles divinités du Nord sont des êtres fort mal définis, faute de poëtes qui les aient chantées, d’artistes qui les aient peintes. Elles éveillent encore quelques idées de terreur, mais elles n’ont pas une physionomie arrêtée.

À la vérité, l’obscurité même qui entoure ces conceptions monstrueuses pourrait devenir un élément poétique, si elles se produisaient avec l’art