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ALEXANDRE POUCHKINE.

vantage d’un certain parfum de noblesse et de gravité, qui ne tient peut-être qu’à l’usage qu’on en fait.

D’ailleurs, quant à la question de date et d’origine, le russe n’est pas un dérivé du slavon, comme le romaïque, par exemple, est un dérivé du grec ancien ; ce sont deux dialectes issus d’une source commune, deux rameaux s’élevant de la même souche et qui ont pris en croissant chacun son développement particulier ; de même que le français et l’italien, provenant l’un et l’autre du latin, mais obéissant à des lois distinctes de transformation. Un général Chichkof, à qui on attribue les proclamations éloquentes qui, en 1812, appelèrent le peuple russe à la défense de son territoire, était le principal avocat de l’idiome slavon ; et, de fait, il en tira parti habilement dans un pays où le patriotisme se confond avec l’attachement à la religion. Quelque talent que le général Chichkof apportât à plaider la cause du slavon, le russe a triomphé, grâce à Pouchkine. On peut dire qu’il trancha la question comme le philosophe grec qui prouva le mouvement en marchant. Depuis Pouchkine, on ne fait plus de vers que dans la langue parlée.