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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

favorablement. La gravité castillane, si opposée à la légèreté française, lui semblait une preuve de bonne foi et de sincérité. La fortune du connétable de Bourbon, et, pour ne pas élever si haut ses visées, celle de Le Peloux, serviteur de ce prince, comblé d’honneurs par Charles-Quint et ramené par lui en France comme pour y braver son ancien maître, maint autre exemple de défections magnifiquement récompensées, lui revinrent en mémoire, et il nous avoue qu’il songea sérieusement à offrir ses services à l’Espagne contre sa patrie. À la vérité, il ne pouvait se flatter d’apporter un grand poids dans la balance, et, quelque bonne opinion qu’il eût de son mérite, il n’osait guère espérer que le prudent Philippe II estimât à un bien haut prix une épée encore assez peu connue. Cependant il avait navigué, pratiqué les ports de l’ouest de la France et ceux de la Méditerranée ; chargé de diriger les armements de Strozzi à Brouage, il avait recueilli beaucoup de documents précieux sur l’état de notre marine et de nos ports ; il se proposait d’étudier de nouveau les points faibles de nos côtes, et, muni d’un plan de surprise de sa façon, d’aller le présenter au gouvernement espagnol. Pour traverser la frontière, il comptait demander la permission du roi ; mais