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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

vée dans ses papiers. On en peut voir un fragment écrit avec verve dans ses voyages en France : c’est l’arrivée de l’empereur à Grenoble en 1815. Si j’en juge par les récits de Beyle, il me semble que vers l’époque de sa jeunesse il y avait moins d’égoïsme qu’aujourd’hui, et que les affectations à la mode étaient d’un genre plus noble. Ainsi Beyle, bien qu’aimant la bonne chère, se gardait bien d’en convenir. Il trouvait même du temps perdu celui qu’on passe à manger, et souhaitait qu’en avalant une pilule le matin on fût quitte de la faim pour toute la journée. Aujourd’hui on est gourmand, et l’on s’en vante. Du temps de Beyle, un homme prétendait, avant tout, à l’énergie et au courage. Comment faire campagne si on est gastronome ?

Beyle aimait les réunions intimes et peu nombreuses. Dans un petit cercle, entouré d’amis ou de gens contre lesquels il n’avait pas de préventions, il s’abandonnait avec bonheur à toute la gaieté de son caractère. Il ne cherchait nullement à briller, seulement à s’amuser et à amuser les autres ; « car, disait-il, il faut payer son entrée. » Toujours en verve, il était parfois un peu fou, voire même inconvenant ; mais il faisait rire, et il était impossible à la pruderie de garder son sérieux. La pré-