Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
HENRI BEYLE (STENDHAL).

n’étions pas des dupes, comme on l’était de son temps. Selon son habitude de se montrer pire qu’il n’était, il affectait de mépriser l’enthousiasme qui a fait faire de si grandes choses aux hommes de son époque. « Nous avions le feu sacré, disait-il ; et moi aussi, quoique indigne. On m’avait envoyé à Brunswick pour lever une contribution extraordinaire de cinq millions. J’en ai fait payer sept, et j’ai manqué d’être assommé par la canaille qui s’insurgea, exaspérée par l’excès de mon zèle. Mais l’empereur demanda quel était l’auditeur qui avait fait cela, et dit : « C’est bien. »

Il était difficile de savoir quels étaient ses sentiments à l’égard de Napoléon. Presque toujours il était de l’opinion contraire à celle qu’on mettait en avant. Tour à tour frondeur ou enthousiaste, quelquefois il en parlait comme d’un parvenu ébloui par les oripeaux, manquant sans cesse aux règles de la lo-gique ; d’autres fois c’était une admiration presque idolâtre. Tour à tour il était frondeur comme Courier et servile comme Las Cases. Les hommes de l’Empire étaient traités aussi diversement que leur maître, mais il convenait de la fascination exercée par l’empereur sur tout ce qui l’approchait. Il avait commencé une histoire de Napoléon qui s’est retrou-