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HENRI BEYLE (STENDHAL).

auditeur, il avait fait plusieurs campagnes, entre autres celle de Russie, en 1812, avec le quartier général de l’empereur. Nous aimions à l’entendre parler des campagnes qu’il avait faites avec lui. Ses récits ne ressemblaient en rien aux relations officielles. On en jugera. Naturellement brave, il avait observé la guerre avec curiosité et froidement. Sans être insensible aux grandes et poétiques scènes qu’il avait vues, c’était surtout par ses côtés bizarres et grotesques qu’il se plaisait à la montrer. D’ailleurs, il avait en horreur les exagérations de vanité nationale, et, par esprit de contradiction, il se jetait souvent dans l’excès contraire. De même que Courier, il se moquait impitoyablement de ce qu’on a depuis appelé le chauvinisme, sentiment qui, après tout, a son bon côté, car il fait qu’un conscrit se bat comme un vieux soldat.

Il niait de parti pris toutes les harangues, tous les mots sublimes dits sur les champs de bataille. « Savez-vous ce que c’est que l’éloquence militaire ? nous disait-il. En voici un exemple : dans une affaire fort chaude, un de nos plus braves généraux de cavalerie[1] haranguait en ces termes ses soldats

  1. Murat.