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HENRI BEYLE (STENDHAL).

lité, on ne peut l’exprimer avec du noir sur du blanc, comme disait Beyle. De cette impossibilité d’être exact est venu le besoin de chercher des termes de comparaison, qui ne sont guère propres à porter quelque clarté dans une question si obscure. Le côté dramatique dans les arts est ce que nous comprenons le mieux, nous autres Français, et c’est probablement pour ce motif que Beyle explique la beauté par la passion. Malgré sa prétention à être cosmopolite, il était parfaitement Français d’esprit comme de cœur.

Il m’a paru beaucoup moins sensible à la sculpture qu’à la peinture. Les statues antiques lui semblaient trop dépourvues de passion, et il leur reprochait de donner l’idée de belles personnes sans esprit. Son sculpteur favori était Canova, dont il admirait la grâce, tout en avouant qu’il était un peu maniéré. Je crois qu’il vantait Michel-Ange plus qu’il ne l’aimait au fond. Lorsqu’il me mena voir le Moïse du tombeau de Jules II, il ne trouva d’autre éloge à m’en faire, sinon qu’on ne pouvait mieux rendre l’expression d’inflexible férocité.

Beyle faisait peu de cas des coloristes. Nous avions de grandes discussions à ce sujet. Il méprisait profondément Rubens et son école, il reprochait aux