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HENRI BEYLE (STENDHAL).

du plaisir qu’il en avait éprouvé. Il ne pouvait endurer l’ennui et partageait l’avis de ces docteurs en médecine qui autorisèrent le duc de Lauraguais à poursuivre au criminel un ennuyeux pour tentative d’homicide. Il n’est sorte d’exagérations que sa mauvaise humeur ne lui suggérât contre les livres ou les gens qui avaient eu le malheur de le faire bâiller. Homme d’imagination et de premier mouvement, Beyle n’en avait pas moins de grandes prétentions à raisonner tout et à se conduire en tout selon les règles de la logique. Ce mot revenait souvent dans sa conversation, et ses amis se souviennent de l’emphase particulière qu’il mettait à le prononcer lentement, séparant les deux syllabes par une virgule : la lo, gique. C’était toujours la logique qui devait nous guider dans toutes nos actions ; mais la sienne n’était pas celle de tout le monde, et l’on était parfois assez embarrassé pour deviner le fil de ses raisonnements. Je me souviens qu’un jour nous voulûmes faire ensemble un drame dont le héros, coupable d’un crime, avait des remords. « Pour se délivrer d’un remords, que dit la lo-gique ? » Il réfléchit un instant : — « Il faut fonder une école d’enseignement mutuel. » Notre drame en resta là.

Il disait qu’à son entrée dans la vie un homme