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HENRI BEYLE (STENDHAL).

car je ne sache pas qu’il ait jamais essayé de corriger son style : quelque raturés que fussent ses manuscrits, on peut dire qu’ils étaient toujours écrits de premier jet.

Ses lettres sont charmantes, c’est sa conversation même.

Il était très-gai dans le monde, fou quelquefois, négligeant trop les convenances et les susceptibilités. Souvent il était de mauvais ton, mais toujours spirituel et original. Bien qu’il n’eût de ménagements pour personne, il était facilement blessé par des mots échappés sans malice : « Je suis un jeune chien qui joue, me disait-il, et on me mord. » Il oubliait qu’il mordait parfois lui-même et assez serré : c’est qu’il ne comprenait guère qu’on pût avoir d’autres opinions que les siennes sur les choses et sur les hommes. Par exemple, un prêtre et un royaliste étaient toujours pour lui des hypocrites.

Ses opinions sur les arts et la littérature ont passé pour des hérésies téméraires lorsqu’il les a produites. Lorsqu’il mettait Mozart, Cimarosa, Rossini, au-dessus des faiseurs d’opéras-comiques de notre jeunesse, il soulevait des tempêtes : c’est alors qu’on l’accusait de n’avoir pas des sentiments français.