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HENRI BEYLE (STENDHAL).

que d’être remarqué dans une déroute. Il croyait qu’on voulait le fusiller.

Sur l’amour Beyle était plus éloquent que sur la guerre. Je ne l’ai jamais vu qu’amoureux ou croyant l’être ; mais il avait eu deux amours-passions (je me sers d’un de ses termes) dont il n’avait jamais pu guérir. L’un, le premier en date, je crois, lui avait été inspiré par madame C… alors dans tout l’éclat de sa beauté. Il avait pour rivaux bien des hommes puissants, entre autres un général fort en faveur, Caulaincourt, qui abusa un jour de sa position pour obliger Beyle à lui céder sa place auprès de la dame.

Le soir même, Beyle trouva moyen de lui faire tenir une petite fable de sa composition, dans laquelle il lui proposait allégoriquement un duel. Je ne sais si la fable fut comprise, mais on n’accepta pas sa moralité, et Beyle reçut une verte semonce de M. Daru, son parent et son protecteur. Il n’en continua pas moins ses poursuites.

Beyle m’a toujours paru convaincu de cette idée, très-répandue sous l’Empire, qu’une femme peut toujours être prise d’assaut et que c’est pour tout homme un devoir d’essayer :