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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

jeunesse, Mademoiselle de Marsan, la Fée aux Miettes, Inès de las Sierras, les Souvenirs de la Révolution et de l’Empire, récits charmants, pour lesquels il est difficile de trouver un nom ; sous sa plume, en effet, le roman, l’histoire, l’érudition, se transforment, se mêlent et se prêtent mutuellement leurs ressources. Il avait l’art de donner aux sujets les plus arides un attrait qui les rendait populaires. Ses Voyages en Normandie et en Franche-Comté apprirent à respecter nos vieux monuments, et vengèrent le moyen âge d’injustes dédains. Ses Notions de linguistique, publiées en feuilletons, étaient lues avec avidité par les gens du monde, et ses Catalogues de livres, destinés en apparence à une petite classe d’érudits, ont associé les financiers eux-mêmes aux recherches et aux passions des bibliophiles.

Son goût pour l’originalité l’égara quelquefois. D’illustres savants ont condamné son système sur la formation du langage, qu’il attribue à l’imitation des bruits naturels, réduisant tous les mots à des métaphores empruntées aux onomatopées. Jamais d’ailleurs un vain désir de briller ne lui fit attaquer les opinions reçues. Toujours ce fut avec une conviction, au moins momentanée, qu’il produisit ses théories, et s’il abusa parfois de la sou-