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CHARLES NODIER.

ont inspiré plus d’une ravissante description. Il est vrai que le soin de sa sûreté ne l’empêchait pas de se livrer à ses goûts favoris. Il croyait fuir les gendarmes et poursuivait les papillons. Après une longue marche, portant pour tout bagage un faisceau de plantes et une boîte remplie d’insectes, il arrivait à un presbytère écarté. D’abord il se faisait connaître, exagérant les dangers qui le menaçaient, ceux même auxquels il était contraint d’exposer ses hôtes. Alors s’engageait un combat de générosité où Nodier se laissait vaincre. Il soupait gaîment, dormait sur la paille, et repartait à l’aube, emportant les vœux et les bénédictions du bon prêtre. Après les curés, c’était aux médecins de campagne qu’il s’adressait d’ordinaire, pour se donner ces scènes de roman, si souvent répétées qu’il avait fini par se croire le plus persécuté des proscrits. Habile à discourir sur la médecine, comme sur toutes les sciences qui s’y rattachent, il étonnait ses hôtes par l’étendue et la variété de ses connaissances. En les quittant, il leur laissait des plantes rares, des insectes curieux, et les engageait à faire des collections. Professeur nomade d’histoire naturelle, il a formé de nombreux élèves dans le Jura, qui se rappellent encore ses leçons, rendues plus