Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

exilés, devint bientôt leur occupation principale. Le jour se passait en promenades, ou plutôt en courses vagabondes. Le soir, après avoir mis en ordre le butin de la journée, des insectes et des plantes, on se trouvait trop fatigué pour résoudre des problèmes. On préférait une courte lecture, mais toujours la veillée se prolongeait fort tard. M. de Chantrans avait apporté à Novilars quelques volumes de Shakspeare, que son élève dévora dès qu’il les eut ouverts. À cet esprit amoureux de l’indépendance, Shakspeare, avec ses beautés incultes, apparut comme le génie libre de toute entrave. Pour tout autre, pareille lecture aurait eu ses dangers : l’homme qui va gravir un mont ne doit pas prendre l’aigle pour guide. Mais Charles Nodier avait déjà un goût prononcé pour la perfection de la forme, un sentiment de la délicatesse dans les détails, rare surtout à son âge, et qu’il devait sans doute aux sages leçons de son père. Cet amour pour la correction ne l’abandonna jamais au milieu de ses enthousiasmes pour le génie sans frein, et malgré lui, pour ainsi dire, le ramena toujours à la religion des règles et au culte de nos grands modèles.

Après la terreur, il suivit, à l’école centrale de Besançon, les cours de M. Droz, qui devait le pré-