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tesse Apraxine, qui fume, porte des chapeaux ronds et a une chèvre dans son salon, qu’elle a fait couvrir d’herbes. Mais la personne la plus amusante est lady Shelley, qui, tous les jours, fait quelque nouvelle drôlerie. Hier, elle écrivait au consul de France : «  Lady S…, prévient M. P… qu’elle a aujourd’hui un charmant dîner d’Anglais et qu’elle sera charmée de le voir après, à neuf heures cinq. » Elle a écrit à madame Vigier, ex-mademoiselle Cruvelli : « Lady Shelley serait charmée de voir madame Vigier, si elle voulait bien apporter sa musique avec elle. » À quoi l’ex-Cruvelli a répondu aussitôt : « Madame Vigier serait charmée de voir lady Shelley, si elle voulait bien venir chez elle et s’y conduire comme une personne comme il faut. » — Et vous, à quoi passez-vous votre temps ? Je suis sûr que vous ne pensez plus guère à Versailles, par suite de cette absence de souvenirs qui vous caractérise. J’espère que nous irons en mars voir pousser les premières primevères. Et cette étrange soirée et matinée de Versailles, tout cela était-il vrai ?

Adieu ; écrivez-moi vite à Cannes.