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tre ou se rencontrent les ministres et les chefs de l’opposition ; ce qui est assez agréable pour les amateurs de nouvelles. Il est vrai que ce qui s’appelle ici la société se compose d’un si petit nombre de personnes, que, si elles se fractionnaient, il n’y aurait plus moyen de vivre. Quelque chose que l’on fasse à Madrid, pourvu qu’on aille dans un lieu public, on est sûr de rencontrer les mêmes trois cents personnes. Il en résulte une société très-amusante et infiniment moins hypocrite qu’ailleurs. Il faut que je vous conte une bonne bêtise. L’usage ici est d’offrir tout ce qu’on loue. La belle du premier ministre dînait l’autre jour à côté de moi ; elle est bête comme un chou et fort grosse. Elle montrait d’assez belles épaules sur lesquelles tombait une guirlande avec des glands en métal ou en verre. Ne sachant que lui dire, je lui fis l’éloge des unes et des autres, et elle me répondit : Todo ese a la disposicion de V. Adieu ; écrivez-moi plus longuement. Je puis à la rigueur recevoir de vos nouvelles ici, mais j’espère sûrement trouver une lettre de vous à Bayonne. — Pourquoi ai-je tant d’envie de vous revoir ? Il y a pourtant quelque chose de très-pénible à se con-