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été mis en réquisition pour fabriquer des ciels, réparer des décorations, dessiner des costumes, etc., sans parler des répétitions que je donnais à cinq déesses mythologiques dont une seule avait déjà monté sur un théâtre de société. Mes déesses se sont trouvées très-jolies hier, jour fatal, mais mourantes de peur ; cependant, tout a fort bien été. On a fort applaudi, sans comprendre les vers très-amphigouriques du poëte auteur de la Loa. Sa comédie, qui était une traduction de Bonsoir, monsieur Pantalon, a encore mieux été, et j’admire la facilité avec laquelle les jeunes filles de la société se transforment en actrices passables. Après la comédie, bal et souper au milieu duquel un jeune protégé de la comtesse a improvisé des vers assez jolis, qui ont fait pleurer l’héroïne de la fête et boire tout le monde un peu vertement. Ce matin, j’ai un mal de tête de chien et je trouve le soleil diablement chaud. Je vais aller à Madrid voir les taureaux, et j’abandonne mes déesses pour deux ou trois jours afin de faire mes visites et de travailler à la bibliothèque. Comme il y a neuf dames ici sans un homme, on m’appelle à Madrid « Apollon ». Des neuf muses, il