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pour moi. Vous acceptez ces promenades qui sont ma vie ; mais cette glace sans cesse renaissante qui me désespère chaque fois davantage, ce plaisir de calcul ou, j’aime mieux le croire, d’instinct, que vous avez à me faire désirer ce que vous refusez obstinément : tout cela peut excuser ma dureté ; mais, s’il y a un tort de votre part, c’est assurément cette préférence que vous donnez à votre orgueil sur ce qu’il y a de tendresse en vous. Le premier sentiment est au second comme un colosse à un pygmée. — Cet orgueil n’est au fond qu’une variété de l’égoïsme. Voulez-vous un jour mettre de côté ce grand défaut, et être pour moi aussi aimable que vous le pourrez ? J’accepterais très-volontiers ce parti si vous me promettiez d’être tout à fait franche, et si vous aviez le courage de tenir cet engagement, ce serait une expérience peut-être bien triste pour moi. Cependant, je l’accepterais avec joie, puisque vous n’auriez, dites-vous, que du bonheur dans ce cas. — Adieu, à bientôt. Mettez vos bottes de sept lieues, nous ferons une belle promenade ; si le temps n’était pas plus mauvais qu’il y a quelques jours, vous n’auriez pas de risques de vous