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dites que vous avez été heureuse aussi, et ce mot efface tous les autres qui précèdent et qui suivent pour l’affaiblir. C’est ce que vous m’avez dit de mieux depuis longtemps, c’est presque la seule fois où je vous ai senti un cœur fait comme un autre. Quelle radieuse promenade ! Je ne suis nullement malade et j’étais l’autre jour assez heureux pour en garder de la santé et de la bonne humeur pour longtemps. Si le bonheur passe vite, il peut se renouveler. Malheureusement, le temps se gâte, puis vous parlez de voyage. Peut-être cette pluie vous a-t-elle ôté l’envie de courir. Pour moi, elle m’ôte jusqu’à la force de faire des projets. Pourtant, s’il y avait un bon jour avant votre départ, ne ferions-nous pas bien d’en profiter et de dire adieu pour longtemps à notre parc et à nos bois ? Je ne reverrai plus leurs feuilles de cette année du moins, et cette idée-là m’attriste. J’espère que vous les regretterez aussi. Quand vous verrez un rayon de soleil, prévenez-moi, et allons retrouver nos châtaignes et notre montagne. Vous avez pensé à moi et à nous pendant un moment bien court, mais le souvenir n’en reste-t-il pas bien longtemps ?