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une espèce de divination instinctive ; assurément, mon plus grand ennemi ou, si vous voulez, mon rival dans votre cœur, c’est votre orgueil ; tout ce qui le froisse vous révolte. Vous suivez votre idée, peut-être à votre insu, dans les plus petits détails. N’est-ce pas votre orgueil qui est satisfait lorsque je baise votre main ? Vous êtes heureuse alors, m’avez-vous dit, et vous vous abandonnez à votre sensation parce que votre orgueil se plaît à une démonstration d’humilité. Vous voulez que je sois statue parce qu’alors vous êtes ma vie. Mais vous ne voulez pas être statue à votre tour ; surtout, vous ne voulez pas cette égalité de bonheur donné et reçu, parce que tout ce qui est égalité vous déplaît.

Que vous dirai-je à cela ? que, si cet orgueil voulait se contenter de ma soumission et de mon humilité, il devrait être content ; je lui céderai toujours, pourvu qu’il laisse votre cœur suivre ses bons mouvements. Pour moi, je ne mettrai jamais sur une même ligne mon bonheur et mon orgueil, et, si vous vouliez me suggérer des formules d’humilité nouvelles, je les adopterais sans hésiter. Mais pourquoi de l’orgueil, c’est-à-dire de