Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’attacher qu’à la lettre, il y a longtemps que je vois que vous m’aimez mieux de loin que de près. Mais ne parlons plus de cela maintenant. Je veux seulement vous dire que je ne vous fais aucun reproche, que je ne suis pas mécontent de vous, et que, si je suis triste quelquefois, vous ne devez pas croire que je suis en colère. J’ai de vous une promesse, vous pensez bien que je ne l’oublierai pas. Je ne sais si je vous la rappellerai. Il n’y a rien que je déteste tant que les querelles, et assurément il en faudrait une pour vous redonner de la mémoire. Rien de ce qui vous fait de la peine ne me donnera de plaisir ; ainsi, j’accepte le programme que vous m’annoncez. Nous avons eu, en effet, une heureuse inspiration l’autre jour. Quelle neige et quelle pluie ! Quel chagrin si vous m’aviez remis à aujourd’hui ! Vous craignez toujours les premiers mouvements ; ne voyez-vous pas que ce sont les seuls qui vaillent quelque chose et qui réussissent toujours ? Le diable est lent, je crois, de son naturel et se décide toujours pour le plus long chemin. Ce soir, je suis allé aux Italiens, où je me suis assez amusé, bien qu’on ait fait un succès de claqueurs à mon ennemie madame Viardot.