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ne me connaissez plus, m’avait mis de mauvaise humeur et je n’y ai pas répondu tout de suite. Aussi vous me dites, avec beaucoup d’amabilité, que vous ne voulez pas me voir, de peur de vous ennuyer de moi. Si je ne me trompe, nous nous sommes vus six ou sept fois en six ans, et, en additionnant les minutes, nous pouvons avoir passé trois ou quatre heures ensemble, dont la moitié à ne nous rien dire. Cependant, nous nous connaissons assez pour que vous ayez pris quelque estime de moi, et vous m’en avez donné la preuve jeudi. Nous nous connaissons même plus que ne font des gens qui se seraient vus dans le monde, depuis le temps que nous causons ensemble assez librement par lettres. Convenez qu’il est peu flatteur pour mon amour-propre que vous me traitiez ainsi après six ans. Au reste, comme je n’ai pas de moyen de combattre vos résolutions, il en sera de celle-ci ce que vous voudrez, mais je trouve un peu niais de ne pas nous voir. Je vous demande pardon de ce mot, qui n’est ni poli ni amical, mais qui est malheureusement vrai, à mon sens du moins. Je ne me suis nullement moqué de vous l’autre soir. Je vous ai même trouvé