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sont agréables, et puis parce que cela est assez vrai. Pourtant, comme je ne saurai jamais me corriger du malheureux défaut de dire ce que je pense aux gens qui ne sont pas tout le monde pour moi, vous saurez que je vous vois faire des progrès bien rapides en satanisme et que je m’en afflige. Vous devenez ironique, sarcastique et même diabolique. Tous ces mots-là sont tirés du grec, comme trop mieux savez, et votre professeur vous dira ce que j’entends par diabolique ; δίαϐολοσ, c’est-à-dire calomniateur. Vous vous moquez de mes plus belles qualités, et, quand vous me louez, c’est avec des réticences et des précautions qui ôtent à l’éloge tout son mérite. Il est trop vrai que j’ai fréquenté, à une certaine époque de ma vie, très-mauvaise compagnie. Mais, d’abord, j’y allais par curiosité surtout et j’y suis demeuré toujours comme en pays étranger. Quant à la bonne compagnie, je l’ai trouvée bien souvent mortellement ennuyeuse. Il y a deux endroits où je suis assez bien, où, du moins, j’ai la vanité de me croire à ma place : 1o avec des gens sans prétention que je connais depuis longtemps ; 2o dans une venta espagnole, avec des